par Henry Moreigne
Plus rien ne semble aujourd’hui en capacité d’arrêter le scénario du pire à la centrale nucléaire de Fukushima. Le réacteur numéro 3 constitue une porte des Enfers que mêmes les cerveaux de l’un des pays les plus avancés technologiquement apparaissent incapables de maintenir fermée. L’enceinte de confinement fuit. Une fusion totale du cœur est vraisemblablement en cours. De quoi laisser craindre trés prochainement un rejet massif de radioactivité dans l’atmosphère.
Il y aura, n’en déplaise aux afficionados et aux VRP du nucléaire, un avant et un après Fukushima. Alors que la catastrophe n’est malheureusement pas encore allée jusqu’à son terme, Hubert Reeves, longtemps favorable à l’énergie nucléaire symbolise le revirement d’une partie des populations à l’égard d’une technologie « pour les anges , mais trop dangereuse pour les faillibles humains si facilement négligents quand la routine s’installe, quand la surveillance se « fonctionnarise »“.
La nature sait rappeler les hommes à un peu plus d’humilité et c’est bien ce qui est en train de se passer. Dans les colonnes de l’hebdomadaire La Vie, le célèbre astrophysicien explique pourquoi le nucléaire est, à son avis, une énergie trop dangereuse pour être confiée à des humains. « On peut développer les systèmes de sécurité les plus efficaces contre les erreurs techniques, on n’est jamais à l’abri des erreurs humaines. Les principaux accidents nucléaires – Three Miles Islands (1979), Tchernobyl (1986) – ont été provoqués par des erreurs humaines. Le nucléaire exige une sécurité sans faille ».
A 78 ans, l’astrophysicien n’est pas dupe de la nature humaine, de l’appât du gain financier qui caractérise notre société et qui s’est manifesté en l’espèce sous forme d’économies. « Comment expliquer que des ingénieurs, parmi les meilleurs de la planète, se soient contentés d’un mur de sécurité de moins de sept mètres de hauteur contre les tsunamis, dans une des régions les plus exposées aux risques sismiques de la planète ? Avait-on oublié les vagues de plus de vingt mètres des tsunamis précédents ? » « Comme pour n’importe quel projet de ce type, la question de la sécurité a sans doute été discutée au moment de l’évaluation des devis pour la construction des centrales. On l’évalue en termes de probabilité d’un accident. Il n’existe pas de risque zéro. Mais en pratique, comment prend-on la décision ? C’est là qu’intervient le conflit entre la sécurité et le profit. Ici on a favorisé le profit. On a joué et on a perdu, en livrant des dizaines de millions de personnes aux aléas des mouvements géologiques et des vents » observe Hubert Reeves.
L’astrophysicien, président de la Ligue ROC très engagée dans la préservation de la biodiversité, en tire les conclusions qui s’imposent. « De telles erreurs sont possibles et de tels malheurs arrivent dans bien d’autres contextes. La différence, c’est que ces accidents n’ont pas nécessairement une incidence planétaire. Ils ne mettent pas en danger la vie de milliers de personnes. Ce conflit entre la sécurité et le profit est pour moi une des raisons pour laquelle je pense que le nucléaire est une activité trop dangereuse pour être confiée aux « humains trop humains » (pour reprendre l’expression de Nietzsche). On ne laisse pas les enfants jouer avec les allumettes ».
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