Edito du Monde
La présidente "Dilma", son héritage et ses défis
30.12.10 | 15h50 • Mis à jour le 30.12.10
Dilma Rousseff, l'ex-guérillera devenue économiste et technocrate, prendra la tête du Brésil le 1er janvier.
Un ouvrier, une femme. Pour la deuxième fois, la démocratie brésilienne, naguère violentée, aujourd'hui vibrante, innove avec bonheur. Samedi 1er janvier, l'ancien "métallo" Luiz Inacio Lula da Silva cédera son fauteuil à sa dauphine, Dilma Rousseff, l'ex-guérillera, devenue économiste et technocrate, élue il y a deux mois première femme présidente du Brésil.
"Dilma", comme chacun l'appelle, accède à la fonction suprême dans un contexte bien plus enviable que celui de 2002. Nul besoin, comme alors, de rassurer les milieux d'affaires qu'effrayait encore, malgré ses promesses apaisantes, le syndicaliste barbu. Grâce au pragmatisme de Lula, jamais démenti en huit ans, les capitaux affluent désormais à la Bourse de Sao Paulo, pour s'investir ou spéculer.
La nouvelle présidente bénéficie de l'héritage de son prédécesseur. Une démocratie consolidée, délivrée de l'inflation, à la richesse décuplée par l'envol du cours des matières premières. Croissance, emploi, consommation, monnaie : les grands indicateurs du Brésil sont au vert. Avec, en prime, un fabuleux trésor pétrolier qui dort au large de ses côtes.
Au réalisme économique s'ajoute une relative audace sociale. Grâce au dynamisme ambiant et à une gamme d'aides familiales, quinze millions de Brésiliens ont, depuis huit ans, échappé au chômage, intégré l'économie formelle et cessé d'être pauvres ou très pauvres. Ils ont rejoint l'armée grandissante des classes moyennes, avides de posséder, de consommer et de mieux vivre.
Comme toute entreprise inachevée, celle de Lula comporte sa part d'ombre, où Dilma Rousseff affrontera ses plus grands défis. L'enseignement reste médiocre et inégalitaire. Le système de santé fonctionne à deux vitesses. La violence et l'insécurité gangrènent les métropoles. La corruption et le népotisme rongent la vie publique dans un pays où la politique est souvent perçue comme un simple moyen de s'enrichir. Les infrastructures exigent d'être rapidement développées pour relever notamment le défi du Mondial de football (2014) et des Jeux olympiques (2016).
Lula lègue à la nouvelle présidente un pays écouté et respecté dans l'arène internationale. Le Brésil y est devenu un acteur majeur qui s'attire beaucoup de louanges et déjà quelques reproches, par exemple à propos de son rapprochement avec le régime de Téhéran. Dans ce domaine, "Dilma" a commencé à faire entendre sa différence en exprimant avec force son souci des droits humains, en particulier ceux des femmes, en Iran et ailleurs.
Mme Rousseff doit son glorieux destin au soutien inflexible de son mentor, dont elle ne possède ni le charisme ni les dons de tribun, il est vrai hors de pair. Elle aura sans doute à coeur de s'émanciper peu à peu de cette tutelle bienveillante. Professeur d'optimisme, Lula a dopé le moral de la nation. Cette confiance collective profite à sa protégée. Plus de quatre Brésiliens sur cinq prédisent qu'elle gouvernera aussi bien, voire mieux, que le président le plus populaire de l'histoire du Brésil. A elle de ne pas les décevoir.
Nenhum comentário:
Postar um comentário